La perte, souffrance et bénédiction (Brian Graham)
Que ce soit la mort qui nous l'enlève ou la fin d'une relation, perdre un être que l'on aime déchire le cœur et l'esprit. La souffrance est immense et la perte accablante. Perdre ses enfants parce que le couple se brise, les voir partir à l'autre bout du monde nous affecte très fort. On peut aussi devoir quitter à contrecœur la maison dans laquelle on a vécu de nombreuses années quand l'âge rend ce départ nécessaire. Que dire de la perte d'un emploi qu'on soit mis au chômage ou à la retraite? Il peut aussi y avoir la perte de la santé, de la mobilité, de la vue, de l'ouïe, de nos forces, de notre confiance en nous, de la paix de notre esprit, la perte de notre famille et de nos amis proches quand nous partons à l'étranger, la perte d'un bien personnel insignifiant mais auquel nous tenions, la perte de
notre jeunesse, etc., etc. Cela nous touche tous à un moment ou à un autre, sous une forme ou sous une autre. Perdre fait souffrir mais apporte aussi ses bénédictions.
Car, qu'est-ce que la souffrance? "L'enveloppe se brise qui enfermait votre compréhension" a dit Khalil Gibran. En vérité, c'est à travers nos pertes les plus sensibles que nous faisons l'expérience des bénédictions les plus profondes. La souffrance que nous éprouvons brise notre compréhension actuelle et nous amène à une compréhension supérieure.
Quand nous perdons un être cher, nous éprouvons un grand vide et notre peine est immense. Il nous faut embrasser notre douleur et laisser le deuil se faire. Pendant cette période nous traversons des moments d'angoisse intense, de remords terribles, de colère.
Il est tout à fait naturel d'éprouver alors de la colère, de la culpabilité, de l'amertume, de la peur; de s'apitoyer sur soimême, de se sentir seul, abandonné, déprimé, perdu. Perdre un être cher c'est comme une amputation. Il faut du temps pour que la blessure guérisse. Il s'agit moins de surmonter sa perte que d'apprendre petit à petit à vivre avec ce sentiment, et de commencer peu à peu à construire une vie nouvelle, fondée sur la compréhension plus fine que nous a donnée cette épreuve. Comme telle, la mort n'existe pas. On se dépouille de son corps, car l'âme est éternelle et, à un certain moment elle cherche à s'en aller, afin de poursuivre une vie plus pleine dans un autre royaume. Nous souffrons, non pas pour l'autre, mais pour nous-même, car nous choisissons une bonne part de notre peine.
Si au terme des étapes du deuil (lequel varie d'une personne à l'autre) le chagrin nous emprisonne encore, c'est que nous nous accrochons toujours à cet être cher et que
nous ne le laissons pas libre de poursuivre son voyage sur un autre plan. Par là même nous ne faisons que nous enchaîner un peu plus. Aimer vraiment, c'est libérer l'autre. L'amour possessif s'accroche. Le refus de lâcher prise nous prive des bénédictions qui nous apporteraient une meilleure compréhension, l'amour et la liberté. En nous accrochant, nous déshonorons le don de la Vie et de l'Amour que Dieu nous a fait. En lâchant prise nous guérissons de nos sentiments de perte, nous découvrons la force et l'énergie de reconstruire notre vie. Nous honorons ainsi le don de la Vie et de l'Amour fait par Dieu.
Je sais ce qu'est souffrir quand un être cher part vers la Vie plus pleine. J'ai perdu une amie très proche, Clare Cameron. Elle était rédacteur en chef de cette revue et nous partagions une amitié profonde qui a laissé un grand vide dans ma vie. J'ai traversé le deuil, j'ai beaucoup pleuré, lâché prise tant et plus, et c'est ainsi que j'ai fait l'expérience de la guérison et des bénédictions données par la Vie. J'ai mieux compris que la mort elle-même ne nous sépare pas de ceux que nous aimons vraiment, car ils restent présents dans notre conscience.
Je connais aussi la souffrance de la séparation: en effet, mes filles sont parties vivre en Australie avec leur mère quand elle s'est remariée. Là aussi, après toute une période de douleur, j'ai reçu de nombreuses bénédictions et cette expérience ne cesse de m'enseigner beaucoup de choses. J'ai vraiment appris que là où demeure l'Amour vrai, la distance ne sépare pas. Je n'ai pas revu mes filles depuis quatre ans mais nous sommes souvent en contact et elles sont toujours présentes dans mon cœur et dans ma conscience. L'Amour que nous partageons ignore la distance et transcende le temps. Cette expérience m'a beaucoup appris sur le lâcher-prise et l'Amour inconditionnel. Elle m'a apporté quelques-unes des grandes bénédictions de ma vie et le fait encore: apprendre est sans fin.
La fin d'une relation peut nous plonger dans une douleur bien vive, surtout quand l'être aimé nous quitte pour quelqu'un d'autre. Les émotions conflictuelles font boule de neige. J'ai connu aussi ce genre de souffrance, mais avec le temps elle m'a apporté des bénédictions très profondes. Une fois encore, cette expérience douloureuse qui a abouti au divorce m'a, par la grâce de Dieu, beaucoup appris.
Nos expériences douloureuses et la perte qu'elles impliquent sont là pour nous instruire et nous faire grandir. Les bénédictions les plus grandes se cachent sous leurs apparences douloureuses. Quelle que soit leur nature ou leur importance, nous devons aborder nos pertes de la même manière, à savoir, nous laisser le temps du deuil, chercher les leçons et les bénédictions que nous donne cette expérience, reconnaître quand il est temps pour nous de sortir du chagrin, commencer à rebâtir une vie nouvelle, chercher des façons nouvelles de servir les autres et de donner de nous-même.
Nous honorons ainsi le don de la Vie. Dans toute perte il y a quelque chose à gagner. La perte a deux aspects: la douleur et la bénédiction. Nous n'avons pas besoin de nous accrocher à la douleur; sachons en ressortir quand il est temps. Quand se déchire l'enveloppe qui renfermait votre compréhension actuelle, vous pouvez connaître une compréhension plus vaste. La perte est votre maître, elle est pour vous l'occasion de grandir, elle ouvre la porte à de grandes manifestations. Remerciez Dieu de ce qu'elle vous apporte et ouvrez votre cœur.
"Comme la coque du fruit doit se briser pour que son cœur puisse mûrir au soleil, ainsi vous faut-il connaître la souffrance. Si vous pouviez garder un cœur qui s'émerveille devant les miracles quotidiens de la vie, votre souffrance ne vous paraîtrait pas moins merveilleuse que votre joie. Vous accepteriez les saisons de votre cœur comme vous avez toujours accepté les saisons qui passent sur vos champs". (Khalil Gibran)